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Le traitement diététique de l’obésité dans le rétroviseur

La SAPS/FOSO a 20 ans. Vingt ans, c’est la durée qu’il faut à un nouveau-né pour devenir adulte. C’est donc une belle occasion de considérer le chemin parcouru dans le domaine de la prise en charge de personnes touchées par l’obésité.

 

Par Maaike Kruseman, spécialiste d'adipose, Fondation Suisse de l'obésité FOSO

 

 

En janvier 1997, je quittais ma spécialité, la dénutrition liée au VIH/SIDA et découvrais le monde de l’obésité. Ce que l’on m’avait enseigné durant ma formation de diététicienne était assez simple: pour faire maigrir les patient-e-s obèses, il fallait calculer leurs besoins énergétiques et nutritionnels, leur proposer un plan alimentaire équilibré et les encourager durant le suivi. Ceci explique sans doute le modèle forfaitaire de remboursement des consultations ambulatoires négocié durant cette période, qui voyait l’entrée des diététicien-ne-s dans la LAMal grâce au travail acharné du Comité de l’Association Suisse des Diététicien-ne-s ASDD.

 

En vingt ans, plus de 100'000 articles scientifiques ont été publiés avec Obésité comme mot-clé principal. On en sait aujourd’hui beaucoup plus sur la maladie, ses déterminants, les facteurs génétiques et hormonaux qui détruisent les efforts de restriction alimentaire des personnes obèses. Dès lors, la prise en charge diététique a énormément changé. La compréhension de la neurobiologie favorisant l’hyperphagie lors de régimes amaigrissants a contribué à l’abandon des régimes très hypocaloriques. Les études sur la stigmatisation des personnes obèses ont montré ses effets contre-productifs. Les diététicien-ne-s ont appris à investiguer les comportements alimentaires autant que le contenu des assiettes et à fixer des objectifs progressifs avec leurs patient-e-s plutôt que de prescrire une cible calorique. Aujourd’hui, les recommandations des sociétés savantes considèrent l’obésité comme un trouble chronique multifactoriel et reconnaissent le rôle clé des diététicien-ne-s, y compris dans le suivi à long terme. Nous sommes passé-e-s du calcul de plans alimentaires hypocaloriques prescrits par les médecins à l’évaluation complexe des besoins nutritionnels et des comportements alimentaires; de la distribution de listes d’aliments autorisés et interdits à l’enseignement thérapeutique permettant à chacun-e de faire ses choix en toute autonomie.

 

En vingt ans, la prise en charge de l’obésité a changé. Mais l’obésité aussi a changé; pas tant dans sa prévalence que dans sa gravité: chaque année, plus de 5'000 Suisses subissent un by-pass gastrique, l’opération «de la dernière chance» pour traiter l’obésité. Les jeunes sont affectés de plus en plus tôt, avec des conséquences souvent irréversibles sur leur développement et leur santé. Pourtant, la société continue de voir l’obésité comme un problème individuel et de stigmatiser les personnes concernées. Les consultations préventives ne sont pas remboursées et le traitement diététique, lui, est toujours considéré par les assurances comme en 1997.

 

Maaike Kruseman est diététicienne ASDD depuis 1993 et titulaire d’un Master en santé publique. Elle a travaillé pendant une dizaine d’années aux Hôpitaux Universitaires de Genève, où elle a mené de front une pratique clinique et des activités de recherche. Elle a rejoint la Haute Ecole de Santé de Genève en 2005 en tant que Professeure Associée à la filière nutrition et diététique. Elle réalise actuellement une thèse de doctorat en Sciences de la vie à l’Université de Lausanne, sur le thème du maintien de la perte de poids. Elle est membre du groupe spécialisé «OB-ASDD» et est élue membre du Conseil de Fondation de la SAPS/FOSO